jeudi 5 juillet 2012

Coup de coeur: Holy Motors de Leos Carax

Sorti le 4 Juillet 2012.

Holy Motors est le genre d'OVNI cinématographique qui peut à la fois transcender le spectateur comme l'agacer ou l'ennuyer fortement. Leos Carax nous offre en effet un film terriblement surprenant, qui échappe à toute rationalité. Long voyage mystérieux, Holy Motors nous entraîne dans la vie de "monsieur Oscar" qui, à bord de sa limousine, se transforme, se maquille tel un comédien et change ainsi d'identité tout au long de la journée. Entre réalité et jeu d'acteur,  une étrange confusion se met en place. Qui est-il réellement? Que recherche t-il via ces différents rôles qu'il incarne? Un film d'une puissante originalité et d'un mystère fulgurant.


On peut définir en partie Holy Motors comme un hommage au cinéma et en particulier au jeu d'acteur. Au début du film, Leos Carax se réveille, de ce qui semblait être un long sommeil, dans une chambre et ouvre une porte donnant sur une salle de cinéma remplie de spectateurs. Cette mise en abyme nous fait comprendre que l'on accède désormais au domaine de l'imaginaire, de la fiction. Ces thèmes vont être un des leitmotiv de Holy Motors où il est extrêmement ardu de différencier le vrai du faux.

On découvre ensuite le personnage principal du film: Monsieur Oscar, interprété par Denis Lavant. Dans sa limousine blanche, notre homme dit aller de rendez-vous en rendez-vous. Tel un tueur à gage qui exécute contrats après contrats, Monsieur Oscar se déplace de rôles en rôles. Chacun de ses "rendez-vous" l'amène à changer d'identité, à changer de corps et de personnalité. C'est à bord de sa limousine, sorte de loge ambulante que le comédien se maquille, se transforme physiquement à l'aide de déguisements, barbes postiches et autres perruques. Oscar devient alors successivement homme d'affaire, mendiante, clochard fou et sanguinaire, père de famille banal... Il change d'identité afin d'honorer chacun de ses "contrats" et fascine le spectateur tout en le déstabilisant.

Le spectateur est alors désarçonné. Dans quel but fait-il cela ? Pour la "beauté du geste" répond-il. Est-il filmé, est-il acteur au sens où nous l'entendons? Il explique à un moment que les caméras deviennent de plus en plus petites, qu'on ne les voit désormais plus. Les motivations de cet homme nous échappent mais on est fasciné par les différents personnages qu'il interprète. Aucune unité de temps ou de lieu ne se dégage de Holy Motors: aucune réelle continuité ce qui n'en fait pas pour autant un film décousu. On est happé par les différentes situations toutes aussi farfelues les unes que les autres. Perdus, certes, mais transcendés par la beauté de certains plans, choqués par la violence de certaines images, étonnés par tant de spontanéité et d'audace dans le jeu de Denis Lavant. On tente alors en vain de comprendre: qui est réellement cet homme?



Holy Motors est un film inclassable. C'est un film rempli d'humour de par ses situations absurdes, ses dialogues tranchants et un véritable comique de geste qui se dégage de certaines scènes. Remplis de surprises ensuite, de par sa fulgurance et un niveau audace que l'on ne peut observer que trop rarement au cinéma de nos jours. Enfin, une forte mélancolie se dégage parfois de certaines scènes plus lente, obscures voire tragiques.



On peut aussi trouver dans Holy Motors une certaine critique de l'évolution de nos sociétés actuelles. Même si cela n'est pas explicitement énoncé, le spectateur a l'impression que l'intrigue se déroule dans un futur proche. Le monde semble régi par les nouvelles technologies: les caméras deviennent invisibles et omniscientes, et lors de la scène du cimetière, on remarque que sur toutes les pierres tombales est inscrit "venez visiter mon site-web[...]".
Un monde régi par l'image que l'on renvoi à autrui, ce que montre la scène édifiante où Oscar, transformé en clochard fou furieux, se retrouve face à la belle Eva Mendès au milieu de journalistes et photographes de mode.

On peut tout de même se demander si Holy Motors ne fait pas partie de ces films qui échappent à toute analyse complète et rationnelle. A l'instar de certains films de David Lynch tels que Mulholland Drive ou Lost Highway, Leos Carax nous interroge sur la limite qui sépare le réel de l'irréel,  le vrai du faux. Il montre à quel point notre conscience et perception immédiate nous trompent et au combien cette limite est difficile à définir. Holy Motors peut alors être soumis à de nombreuses interprétations et fait appel avant tout à la sensibilité la plus profonde de chaque spectateur. Certaines phrases, certains plans résonnent en nous sans que l'on puisse se l'expliquer. Se laisser transporter et surprendre sans chercher à tout comprendre, voilà ce qui semble permettre d'apprécier le film de Leos Carax, entre autre "pour la beauté du geste".


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