vendredi 7 juin 2013

Coup de coeur: Django Unchained de Quentin Tarantino


Après les films de gangsters sans merci (Reservoir Dogs, Pulp Fiction...), les films aux scénarios parodiques et déjantés (Kill Bill 1 & 2, Boulevard de la mort), Quentin Tarantino semble désormais rechercher une plus grande densité scénaristique et fait un cinéma de plus en plus ambitieux. Il s'amusait à réinventer l'Histoire et le dénouement de la seconde Guerre Mondiale avec Inglorious Basterds, il récidive avec Django Unchained, cette fois-ci sur le thème de l'esclavagisme dans le sud des Etats-Unis au XIXème siècle.


Django Unchained raconte une histoire simple sur le papier mais finalement dense et très efficace: celle d'un esclave noir, Django (Jamie Foxx) libéré par un chasseur de prime, le docteur King Schultz (interprété par Christoph Waltz, qui jouait déjà à merveille le sadique Hans Landa dans Inglorious Basterds). Ce dernier a en effet besoin de Django pour retrouver trois bandits travaillant en tant qu'esclavagistes, dont les têtes sont mises à prix. Naît à partir de là une complicité étonnante entre les deux hommes qui vont par la suite partir à la recherche de la femme de Django, vendue comme esclave à un certain Calvin J. Candie (Leonardo DiCaprio). Tout cela se déroulant dans le contexte esclavagiste du sud des Etats-Unis, à la fin des années 1850.


 En comparaison avec d'autres films de Quentin Tarantino, le scénario de Django Unchained peut paraître moins farfelu, plus narratif mais aussi plus ample et ambitieux. Cependant, Tarantino reste Tarantino et traite le sujet de l'esclavage à sa manière, c'est à dire de façon totalement décalée et grinçante: le film n'est en effet pas tendre envers le mythe américain. De plus l'humour est très présent à travers l'absurde de certains dialogues ou scènes, d'où un contraste saisissant avec un sujet qui pourrait n'être traité que sur un registre tragique voire gnan-gnan et conformiste.
 Comme dans Inglorious Basterds où il réinventait en quelque sorte le cours de la seconde Guerre Mondiale en faisant périr Adolf Hitler à la fin du film, Tarantino fait de même dans Django Unchained qui nous montre la vengeance radicale d'un esclave noir qui, suite à de nombreuses épreuves, finit par vaincre la domination des esclavagistes blancs. On retrouve là des thèmes récurrents dans les films de Tarantino: l'optimisme d'une part, le héros finissant toujours par triompher malgré des obstacles paraissant insurmontables et le thème de la vengeance jubilatoire: la loi du Talion est encore déclinée sous différentes formes toutes plus sanglantes les unes que les autres tout comme dans Kill Bill, Boulevard de la mort... On pourrait presque penser que cela tourne à l'obsession chez Tarantino !


On retrouve en effet cette violence si caractéristique des films de Tarantino: à la fois absurde, voulue grotesque, inspirée de films d'actions de série B: le sang jaillit de tous les côté (il ne peut vraiment pas s'en empêcher), les balles sifflent et percutent les corps déchiquetés à tout va. Filmées via de nombreux ralentis et gros plans sur fond de rap américain, ces scènes font sourire le spectateur disposant d'un certain second degré ou fait tourner de l'oeil les âmes sensibles peu adeptes du sanguinolent à l'écran.

Cependant, comme toujours dans les films de Tarantino, une autre violence est aussi présente, cette fois-ci moins spectaculaire et dénuée de toute fin humoristique mais de ce fait totalement percutante. La violence des dialogues d'une part, avec par exemple les longs monologues de Calvin J. Candie (interprété par un DiCaprio brillant dans ce rôle de méchant-colérique-sadique) personnage adepte de phrénologie, pseudo-science du début du XIXème siècle. D'autre part une violence physique qui cette fois-ci ne mise pas sur les images sanglantes et exagérées mais sur le registre du tragique: des scènes où la dureté des images, couplée à des fonds musicaux soigneusement choisis, ne fait pas sourire mais au contraire tétanise. D'où le talent de Tarantino concernant sa manière de traiter la violence dans des registres totalement opposés pour mieux percuter le spectateur.



Une histoire ample, prenante et mise en scène de manière grandiose par Tarantino. En effet ce dernier ne réalise pas pas un western banal malgré des scènes qui portent en elles des références au genre: les longues chevauchées dans les plaines américaines (et n'oublions pas le couché de soleil, of course), les arrivées en ville, les échanges de regards pleins de défiance, certains lieux (le saloon, les écuries) et personnages (le bon vieux shérif, protecteur de la communauté). La "mythologie" du western est donc en partie présente, parfois maltraitée, parodiée avec humour, pour notre plus grand plaisir.

Mais Tarantino va au delà de cela, de par sa façon de filmer et l'élaboration d'une photographie très soignée. Certaines images relèvent d'une métaphore récurrente: l'image frappante de cette couleur blanche tout d'un coup ensanglantée ponctue le film. Des images métaphoriques représentant le mythe d'une Amérique blanche, protestante, terre promise, assombri par les meurtres perpétrés du fait de l'esclavage. L'image étonnante d'un champ de coton, symbole des grandes plantations du sud des Etats-Unis sur lequel jaillit du sang est représentative de ce leitmotiv.
 Le choix de la musique participe aussi à l'originalité de ce western baroque. Le réalisateur choisit encore une fois des morceaux variés, totalement anachroniques mais qui se greffent parfaitement aux scènes et donnent une toute autre dimension au film. De titres folk et rock au rap us en passant par Ennio Morricone (mythe du western quand tu nous tiens !), la bande originale est variée et fait partie intégrante de Django Unchained.



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